Avez-vous déjà vu, l'hiver, des troncs d'arbres fruitiers habillés tout de blanc ? Une vieille pratique arboricole qui s'appelle le chaulage des troncs. À ne pas confondre avec le chaulage du sol ! Ni avec le maquillage blanc de clown sous Louis XV.
Traditionnellement, ce badigeonnage était (est toujours) fabriqué à partir de chaux. Il est supposé limiter les agressions du froid (?!?) et des rayons du soleil (ah ?). Il agirait aussi comme insecticide et antifongique puisque la chaux asphyxie les oeufs et les larves des insectes qui dormiraient dans l'écorce. Parfois, certains y ajoutent du cuivre (très contrariant pour les spores des champignons).
Le gros, gros problème de la chaux c'est qu'elle va alcaliniser le milieu. Or, les plantes (et donc les arbres) préfèrent un milieu légèrement acide, tournant autour d'un pH de 6. Un pH alcalin favorise le développement des maladies de surface (puceron, oïdium, virus) ainsi que les bactéries. C'est ballot, hein !
Nous, ce que nous cherchons, ce n'est pas de dézinguer à tout va tous les insectes ! Eh oui, la chaux tue sans vergogne ni distinction, parasites et auxiliaires. L'idée est plutôt de stimuler l'arbre, de le rendre aussi fort que le Roquefort, qu'il puisse se défendre tout seul, comme un grand.
La recette recommandée par Eric Petiot, dans son livre « Les soins naturels aux arbres » consiste à mélanger de l'argile, du fumier de vache frais, une décoction de prêle et de l'extrait fermenté d'ortie.
Nous avons remplacé le fumier de vache par de l'humus de notre forêt (eh oui, on n'avait pas de vache sous le coude). Ce qui est important, c'est d'apporter des micro-organismes vivants, un peu comme lorsque l'on consomme un yaourt probiotique. On peut, bien entendu, remplacer le fumier par du compost. Attention, évitez la cendre de bois, car comme la chaux, elle a un effet alcanalisant.
Voici la recette que nous avons utilisée et qui nous a permis de badigeonner une vingtaine d'arbres adultes :
C'est avant tout un fixateur, un support qui va coller entre eux les autres ingrédients, même si on lui prête d'ordinaire des vertus fongiques.
Selon Alain Garcin qui étudie les effets de l'argile blanche calcinée sur les fruitiers (pommiers et oliviers) : « La kaolinite blanchit les arbres et les rend moins reconnaissables pour les insectes ravageurs. Comme barrière physique, elle les empêche également de se nourrir sur l'arbre ou d'y pondre. »
Cette argile a subi une calcination à très haute température améliorant ainsi sa capacité de résistance aux lessivages.
Nous avons acheté la marque "Baraka" qui est vendu dans les coopératives agricoles et jardineries comme traitement contre la mouche de l'olivier.
La prêle est riche en silice qui a pour effet de renforcer les parois cellulaires des plantes comme le ferait un fortifiant. Effet préventif. Mais curatif aussi en asséchant le milieu qui serait infecté par des maladies fongiques.
L'extrait fermenté d'ortie est un excellent stimulateur des défenses immunitaires des plantes. Les arbres seront donc plus combatifs face aux attaques des ravageurs.
J'aurais peut-être dû commencer par vous dire pourquoi appliquer ce masque de beauté aux arbres. Parce qu'évidemment, on aurait pu procéder autrement, comme par arrosage au sol ou vaporisation des feuilles. Ce qu'on cherche, c'est de fortifier les arbres au moment où ils en ont le plus besoin, lors de la montée de la sève, quand justement ils grandissent et forcissent. Et donc quand ils n'ont pas encore des feuilles adultes.
L'écorce est normalement une barrière mécanique efficace contre les éventuelles agressions. En cette fin d'hiver / début de printemps, en période de croissance donc, l'écorce craquelle, se microfissure, laissant apparaître un nombre important de lenticelles, sortes de pores permettant les échanges gazeux entre l'air et le dessous de l'écorce. Le moment idéal pour appliquer un cataplasme et transmettre à l'arbre des phytostimulants :)
Le plus simple est de verser la décoction et l'extrait fermenté dans l'eau de pluie, de mélanger puis d'un autre côté, mélanger l'argile et l'humus (ou la bouse, le compost...). Ajouter ensuite le liquide au solide. Brasser et laisser reposer 1h environ que l'argile s'imbibe bien.
On choisira un gros pinceau (un spalter) ou une brosse à encoller le papier peint pour étaler le badigeon sur les troncs.
Attention, le mélange a du mal à rester homogène. Entre chaque arbre, il sera nécessaire de re-brasser un peu la mixture.
Il n'est pas très utile de badigeonner le bas du tronc puisque ce qui nous intéresse, c'est surtout les emplacements où va se former la nouvelle écorce mise à nue à cette période de l'année. Comme sur cette photo d'un cognassier où l'on voit bien ce phénomène. (D'autres variétés sont plus discrètes dans ce processus.)
Nous avons donc appliqué notre badigeon sur le haut des troncs ainsi que sur le départ des charpentières.
D'ordinaire on devrait d'abord enlever la mousse sur les troncs. Nous avons décidé de ne pas y toucher, les mousses ne couvrant pas la totalité du tronc, il y avait suffisamment d'espace libre pour appliquer notre cataplasme.
Rendez-vous l'année prochaine pour le bilan de cette méthode !